L’atmosphère de Corot

102 854 euros frais compris. Jean-Baptiste Camille Corot (1796-1875), Bord de rivière, effet du matin sur sa toile d’origine signée, 33,5 x 41 cm. Fontainebleau, dimanche 12 février. Osenat SVV. M. Millet. On sait les Anglais amateurs de nature, eux dont Constable a formé le regard aux paysages “vrais”, retranscrits avec humilité et sentiment. Rien d’étonnant, donc, à ce qu’un collectionneur d’Albion ait jeté son dévolu sur ce tableau de Corot, pour l’enlever aux amateurs français moyennant 83 000 euros ! À l’instar de Constable, Corot fait figure de pionnier, posant son chevalet en plein air pour étudier la lumière et la regarder jouer avec les volumes et les espaces. Sous les doux rayons matinaux, son bord de rivière s’anime : les nuages éclairés par-dessous se teintent d’ocre, tout comme l’herbe de la berge, une lumière timide chatouille le museau des vaches puis reste prise dans les branches des arbres. Le soleil n’a pas encore dissipé la fraîcheur nocturne et une brume s’élève de la rivière pour rejoindre le ciel… Le peintre s’est bel et bien affranchi de la peinture classique et du paysage historique appris auprès de Michallon et de Bertin. Plus besoin d’une scène de plein air pour représenter un paysage, la nature est devenue un sujet à part entière. Nouvelle muse détrônant le lyrisme des nymphes et des architectures italiennes, c’est elle qui fait désormais rêver. Corot représentera ainsi avec prédilection l’atmosphère paisible des étendues liquides invitant au recueillement, sur lesquelles veillent ses feuillages vaporeux. La présence humaine reste marginale, afin de ne pas troubler la poésie des lieux, dont la tranquillité est évoquée par des tons doux estompant les formes, suggérées par quelques touches subtilement colorées. À l’image de sa peinture, Corot aime la simplicité d’une vie affranchie des courants artistiques et des honneurs officiels. Son style n’en sera pas moins très admiré. La postérité n’a-t-elle pas fait de lui un précurseur de l’impressionnisme ?