Vive l'empire !

Qui aurait pu penser que Napoléon ferait un jour un malheur en Asie? Après les vins, puis l'art moderne et contemporain, voilà que ce côté de la planète commence à s'intéresser aux souvenirs historiques. C'est en regardant il y a quatre jours les infos à la télé depuis son fauteuil à Séoul, en Corée, que le PDG de Harim Group, Monsieur Kim, s'est décidé à investir soudainement dans les reliques de l'empereur.



        Tk Lee, de la société Harim Group, pose fièrement après la vente,
        avec son chapeau, sorti pour lui des réserves de l'étude Osenat.



Mais pas n'importe lesquelles. Pour en faire l'emblème de sa société spécialisée dans l'alimentaire, il lui fallait à tout prix la pièce la plus mythique et la plus médiatique de la vente de la collection de la Principauté de Monaco, dispersée dimanche après-midi, sous le marteau de Me Jean-Pierre 0senat, à Fontainebleau, à savoir le fameux chapeau de Napoléon.

C'est ainsi qu'il a dépêché Tk Lee, son directeur général en charge du développement du groupe, pour venir enchérir sur ce lot phare en couverture du catalogue estimé 300.000 à 400.000 euros. «Un lot magique», a souligné le commissaire-priseur à son pupitre, avant de démarrer la mise à prix à 200.000 euros, dans une salle archi-comble, pleine de curieux et de passionnés de l'Empereur. De Pierre Jean-Chalençon, détenteur de l'une des plus grosses collections sur Napoléon au monde à Bruno Ledoux, l'actionnaire de Libération qui compte bien ouvrir d'ici deux à trois ans son musée, dans l'ancien Palais du Roi de Rome qu'il a racheté à Rambouillet. Tous deux possèdent des chapeaux et étaient très impatients de savoir si celui-ci ferait un record pour valoriser les leurs...

«Totalement novice dans le domaine des ventes publiques», nous a-t-il confié, TK Lee, arrivé seulement la veille, s'est dit «très ému par les enchères». Assis au deuxième rang dans la salle, il était accompagné d'une blonde impeccable. Prévenue il y a tout juste quelques jours, Anne Kiefer de la société Anne de Paris, s'occupe de VIP de luxe dans le genre de «Mister Lee». Interrogé à l'issue de la vente, celui-ci avait l'air étonné de savoir qui levait le doigt contre lui: deux clients au téléphone dont un Français investi dans la cause napoléonienne a révélé Jean-Pierre Osenat sans dévoiler son nom. Et une Japonaise au fond de la salle agissant pour le compte d'une société du nom de Leblanc Corporation. À 1. 5 million d'euros, soit près de 1.9 million avec les frais, TK Lee a emporté ce légendaire couvre-chef de forme traditionnelle à la française, de feutre dit en castor noir, dont la cocarde rouge a été refaite postérieurement. Devant les applaudissements de la salle, il s'est levé et a salué plusieurs fois la foule en délire.




        « Ce chapeau est pour mon entreprise un super produit marketing »
        TK Lee, acheteur du chapeau de Napoléon

Monsieur Lee a acheté les yeux fermés ce chapeau récupéré par Giraud, alors vétérinaire de la Maison de l'Empereur. Présenté en 1895 par Germain Bapst, d'après la tradition familiale, comme étant récupéré à Marengo, ce couvre-chef correspondait toutefois à ceux utilisés par l'Empereur durant l'Empire, bien qu'il ait commencé à porter son célèbre chapeau, sans galon à partir du Consulat. Mais peu importe toutes ces considérations historiques pour TK Lee. Ce qui lui a plu, «c'est l'image d'un homme qu'il représente» et ce personnage historique, il l'a «étudié à l'école, dès son plus jeune âge, vers 13 à 14 ans». «Tout le monde connaît et admire Napoléon en Corée, a-t-il insisté. C'est la meilleure personne au monde dont on a pu reconnaître les bienfaits dans le futur».

Désormais propriété de Harim Group, ce trophée, mis sous une cloche de verre hautement sécurisée, sera exposé dans un espace ouvert au public, au rez-de-chaussée du nouvel immeuble de cette société de 10.000 personnes qui comprend 50 antennes en Corée du Sud et 11 dans les autres pays, y compris les États-Unis , la Chine ou le Vietnam. Il sera montré avec les huit autres objets que Monsieur Lee a acheté dans la vente , notamment un sabre de récompense nationale des officiers généraux dit «à la Marengo» adjugé 75.000 euros au marteau. Sans le garantir à 100 %, ce nouveau collectionneur compte bien continuer à enrichir son nouveau petit musée. Finalement, «ce chapeau n'est pas un énorme investissement pour notre entreprise car il est un super produit marketing», a déclaré ce client, une aubaine pour l'étude Osenat. Preuve que le marché napoléonien a encore de très beaux jours devant lui.

© Béatrice De Rochebouet - Le Figaro.fr