Adjugé

Sèvres, écuelle à bouillon couverte et son plateau en porcelaine dure, marqués “Sèvres” et “LL” entrelacés encadrant une fleur de lys, 1817, h. 18, l. 23 cm. Adjugé 58 000 euros. Quand Alexandre Brongniard arrive à la direction de la manufacture de Sèvres, en 1800, il hérite d’une ancienne institution royale durement éprouvée par la Révolution. Afin que celle-ci recouvre sa réputation d’antan, fondée sur la beauté et la qualité de ses pièces, notre homme ne va rien négliger. Après avoir redressé les finances et réorganisé le travail, il modernise la production. Ingénieur des Mines avant de devenir porcelainier, actif dans de nombreux domaines scientifiques, Brongniard met l’accent sur les progrès techniques. Son objectif ? Produire à la fois des pièces accessibles à tous et des oeuvres d’art destinées aux clients illustres. Dans tous les cas, l’excellence et le bon goût sont de mise. Une politique qui permet à la manufacture de redevenir une vitrine du savoir-faire français, sans craindre les changements de mode... ou de régimes. Louis XVIII se tourne donc tout naturellement vers Sèvres pour ses présents diplomatiques, passant par exemple commande, en 1817, du déjeuner “des cinq sens” pour la cour espagnole. Un ensemble aujourd’hui conservé au musée du Louvre. Notre écuelle à bouillon lui fut ajoutée in extremis, à la nouvelle de la grossesse de Marie Isabelle du Portugal, mariée un an plus tôt au roi Ferdinand VII. Pour sa coupe, on retient un modèle illustre, celui imaginé par le chef des peintres, Claude-Charles Gérard, à l’occasion de la naissance du roi de Rome, en 1811. Comme pour les autres pièces du cabaret, Jean-Charles Develly est chargé de réaliser le décor sur le thème du génie tutélaire, inspiré des gravures reproduites dans l’iconologie de Gravelot et Cochin. Sur le plateau, des médaillons figurent ainsi des enfants découvrant les cinq sens, nommés en français et en espagnol dans les encadrements, évoqués encore par des emblèmes placés entre chaque tableau. Quant aux ornements se détachant sur le fond vert, ils sont l’oeuvre de deux autres artistes, Charles Durosey pour le dessin, Pierre Huart pour la dorure. N’oublions pas que la manufacture partage en effet les tâches dans un souci de perfection, employant chacun au mieux de ses talents et faisant collaborer plusieurs spécialistes sur une même pièce. Peintre de scènes au même titre que Develly, Zwinger exécute ainsi le cartouche façon camée figurant sur l’écuelle : la mère allongée avec son enfant devant la déesse Hygie, protectrice de la santé. L’abondance et la fertilité se rappellent également à nous par la gerbe de blé, formant le piétement de la coupe, et par les cornes d’abondance débordantes de fruits qui forment anses. Un amour chevauchant un cygne surmonte l’ensemble orné de rinceaux, des grandes armes d’Espagne et des initiales du couple royal. Le cadeau arriva à point, dix jours avant la naissance de l’infante... N° 13 – 1er AVRIL 2011 – LA GAZETTE DE L’HÔTEL DROUOT