Dernière minute - Article du Figaro

ENCHÈRES - Le milliardaire américain a été honoré le 1er mars par la ville de Fontainebleau, quelques heures après avoir appris que l'État souhaitait retirer une quinzaine de lots de sa collection d'objets ayant appartenu à Napoléon III, car ils relèvent «du domaine public». L'homme d'affaires préfère les lui offrir, avant la vente aux enchères chez Osenat les 5 et 6 mars.PublicitéVentes privées BazarChicJusqu'à -70% !J'en profiteComme dirait Molière, que diable Christopher Forbes est-il allé faire dans cette galère? Le riche collectionneur américain ne songeait pas aux déboires qu'il a connus cette semaine, en décidant de disperser son fabuleux trésor de 2.000 objets d'art, tableaux et sculptures ayant appartenu à Napoléon III les 5 et 6 mars chez Osenat à Fontainebleau.

Lundi 1er mars en effet, Marie-Christine Labourdette, directrice des musées de France, a remis au collectionneur francophile lors d'un déjeuner une liste d'une quinzaine de lots du catalogue relevant du domaine public et qui, à ce titre, peuvent être interdits de sortie du territoire et revendiqués par l'État.

Or, tous ces objets, achetés en France, étaient à l'étranger. L'homme d'affaires américain avait obtenu un passeport de libre circulation délivré par le ministère de la Culture et de la Communication lui permettant de les emporter chez lui, dans le New Jersey. L'homme à la tête du magazine Forbes aurait pu s'éviter pareils ennuis en choisissant de vendre chez Sotheby's ou Christie's aux États-Unis. Mais il a cédé à sa passion française. Et les objets sont revenus dans l'Hexagone sous le régime (un comble?) de l'admission temporaire.[L'empereur Napoléon III par Flandrin, estimé 20.000 à 30.000 euros]Pourtant l'homme ne se met pas en colère. «On m'a expliqué que cette revendication était une loi datant de François 1er», se résigne Christopher Forbes, qui a décidé d'offrir à l'État ce dont celui-ci vient de se rendre compte de la valeur, grâce à lui. La France doit lui paraître un peu étrange.

Car, ironie du sort, ce même 1er mars, l'Américain a reçu la médaille de la ville de Fontainebleau des mains du maire de la commune. Et il a accepté d'être le parrain du projet de classement de la forêt de Fontainebleau à l'Unesco .

Dépité, le commissaire-priseur Jean-Pierre Osenat tempête: «Quand même! Entre la loi et le respect des archives et du patrimoine qu'il est normal de défendre, il y a la part des choses. Monsieur Forbes a acheté ces objets, les a défendus. Il a fait un bien fou à Napoléon III. Son droit mérite autant de considération que celui de l'État qui les considère comme des archives publiques. Il ne faudrait pas que les collectionneurs étrangers aient l'impression, en venant en France, de risquer de se faire confisquer quelque chose».

Un ambassadeur de Napoléon III

La vente de cette collection suscite le buzz dans les médias. Patient, élégant et courtois, l'homme à la crinière blanche est un véritable ambassadeur de Napoléon III. Toute la journée du 23 février dernier, il s'est prêté au jeu des interviews avec les radios et télévisions, au palais Garnier où quelques-uns de ses trésors, d'immenses peintures, notamment de l'impératrice Eugénie et quelques effets personnels de Napoléon III, trônaient au milieu d'un aréopage d'amateurs, d'antiquaires et de conservateurs, coupe de champagne à la main.[Déguisement du prince impérial en souvenir de son oncle Napoléon Ier]Napoléon III n'a jamais vu ce palais qu'il avait commandé en 1860 à un jeune architecte audacieux et inconnu âgé de 35 ans. L'empereur, qui fut aussi le premier président de la République, est mort deux ans avant son inauguration le 5 janvier 1875.

«Alors voilà, maintenant, il vient enfin d'y entrer, presque en catamini!», lui rendit hommage cet immense admirateur, qui ne se lasse pas de réhabiliter la mémoire de celui que l'histoire a négligé, au profit de son oncle, Napoléon Ier. «Il a fait des choses incroyables pour la France et a laissé un héritage peut-être plus grand que celui de son oncle. La France moderne date vraiment du Second empire et pas du Premier Empire», a-t-il affirmé le 26 février au micro de Jean-Pierre Elkabbach dans la matinale de la radio Europe 1.

Lors du vernissage, Jean-Pierre Osenat avait déclaré en conclusion d'un discours inspiré: «C'est un symbole qu'un Américain choisisse la France pour disperser ses trésors alors qu'il aurait pu choisir une maison anglo-saxonne aux États-Unis. Cela signifie que la France est encore un pays merveilleux!». Certes.